Le mécontentement des entrepreneurs ne désemplit pas et pour cause l’accumulation des mauvaises notes économiques. D’ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à envisager une sortie du tunnel en 2014.
La mauvaise note de trop
La dégradation de la note de la France par l’agence Standard & Poor’s vendredi dernier n’a pas arrangé la météo au dessus du sol hexagonal. Pour la deuxième fois en moins de deux ans, la France perd de la marge de manœuvre financière face à une agence de notation qui juge le pays « incapable de se réformer davantage en raison du maintien d’un chômage élevé ».
Les chiffres publiés par l’Insee ce jeudi indiquent un recul du PIB de 0,1% au troisième trimestre après un rebond bienvenu de + 0,5% sur trois mois au printemps ; une destruction de 17 000 emplois pendant la même période dans le secteur marchand ; un repli des créations d’entreprises de 0,7 % en octobre (principalement du fait de la diminution du nombre de nouveaux auto-entrepreneurs) ; une baisse des prix de 0,1 % en octobre pour atteindre un niveau d’inflation au plus bas depuis novembre 2009, nourrissant des craintes de déflation et sa spirale de destruction d’activité et d’emploi. Des indicateurs de plus en plus mauvais
L’annonce de la Banque de France enfonce le clou en parlant d’une aggravation du déficit des transactions courantes de la France de 3,6 milliards d’euros en août à 3,9 milliards en septembre, dû principalement à l’augmentation du déficit des échanges de biens (- 5,8 milliards d’euros en septembre contre — 5,4 milliards en août). De quoi afficher une position dégradée de
l’économie française par rapport au reste du monde.
Ciel orageux pour la compétitivité
De son côté, l’OCDE pointe l’insuffisante compétitivité de la France qui doit « renforcer la concurrence dans le secteur des services, comme le commerce, les transports ou l’énergie « . L’Organisation de coopération et de développement économiques souligne que le recul des parts de marché hexagonales à l’exportation est « le symptôme de faiblesses économiques sous-jacentes « qui » ne renvoie pas seulement à la question de la capacité d’exportation de la France mais d’une manière plus générale à sa capacité productive et à son potentiel de croissance « .
Pics de colère
Pendant la visite du président de la république à Monaco, près de 800 agriculteurs arborant le désormais symbolique bonnet rouge, manifestaient contre la majoration de leur taxe foncières à Nice. Un mouvement qui trouve un écho chez les artisans et commerçants qui affichent dans leur vitrines ou leur camionnettes les mots « sacrifiés mais pas résignés ».
» Cette mobilisation vise à montrer l’exaspération des chefs d’entreprise de l’artisanat et du commerce face à l’accumulation des prélèvements sociaux et fiscaux supplémentaires « , précise l’UPA (Union professionnelle artisanale qui représente 1,3 million de d’entreprises). » C’est la proximité qui va mourir, c’est l’animation des quartiers, des centres-villes, des villages qui disparaît « , insiste son président Jean-Pierre Crouzet, qui estime à 1,1 milliard d’euros les prélèvements supplémentaires sur les entreprises de l’artisanat, du commerce de proximité et les travailleurs indépendants au titre de l’année 2013 auxquels s’ajouteront 100 millions en 2014, tout en se défendant de » toute récupération politique ».
Vent en poupe pour le pessimisme
Peu d’espoir donc pour des artisans à la tête d’entreprises parfois de moins de dix salariés. Ceux-ci peu enclins à l’embauche, comme la majorité des TPE. A en croire le dernier baromètre Ifop-Fiducial, plus de sept patrons de TPE sur dix renonceraient ainsi à investir et près de la moitié à embaucher en raison de la politique fiscale du gouvernement, selon la 52e édition de ce sondage publié jeudi 14 novembre.
Politique fiscale et organisations patronales sur le banc des détestés
» Une seule chose nous intéresse : que la croissance française reparte. Pour cela, il faut qu’elle libère les entrepreneurs « , affirme en écho Dominic Jabouley, patron de l’entreprise Jabouley (textile) et porte-parole du mouvement des Dupés. Un mouvement d’environ 4 500 entrepreneurs stéphanois (les » Dirigeants ulcérés par la politique économique et sociale – Dupés « , qui a émergé au printemps dernier. Son manifeste revendique un allégement du code du travail, une baisse du coût du travail, ainsi qu’une réduction de la différence entre salaire brut et salaire net. » Nous n’avons pas vocation à remplacer les organisations patronales mais nous estimons qu’ils n’ont pas fait ce qu’il fallait pendant trente ans, explique Dominic Jabouley, qu’ils ont laissé faire trop de choses aux gouvernements de droite, comme de gauche. Nous voulons les bousculer, les inviter à abandonner le politiquement correct. »
Croissance ou t’es?
Loin de remixer Stromae, Guillaume Cairou, dirigeant du groupe Didaxis (portage salarial), et président de Club des Entrepreneurs qui a rendu public jeudi 14 novembre (lui aussi) une tribune libre intitulée: » La France a euthanasié son secteur privé ! « . » Tous ces mouvements d’entrepreneurs peuvent donner une impression de chaos, reconnaît Guillaume Cairou, ou que ce sont des lobbies qui montent au créneau. Mais si nous nous mobilisons, c’est pour défendre l’emploi. Tous les indicateurs sont au rouge, mais les politiques sont totalement déconnectés du terrain. Nous sommes peut-être écoutés, mais certainement pas entendus. Nous demandons aux gouvernants de ne plus seulement activer le levier des recettes fiscales, mais de faire enfin des économies et de procéder aux réformes structurelles indispensables « , ajoute cet entrepreneur qui appelle à » surmonter toutes les rigidités et les conservatismes » pour » retrouver le chemin de la croissance « .