La compétitivité, nerf de la guerre
Patrick Artus, économiste et directeur de la recherche et des études chez Natixis, auteur de l’ouvrage Le Capitalisme est en train de s’autodétruire avec Marie-Paule Virard, a tiré la sonnette d’alarme. Selon lui, la crise économique qui sévit depuis 2008 ne saurait à elle seule expliquer le marasme dans lequel se trouve actuellement la France. Depuis 1996, explique Patrick Artus, la compétitivité française n’a progressé que de 0,7% par an en moyenne. Et la situation ne devrait pas s’améliorer dans les dix ans à venir.
L’économiste explique cette situation par deux phénomènes. Le premier est que les entreprises ont mal réagi à la concurrence étrangère, préférant baisser leurs marges pour rester compétitives plutôt que monter en gamme à l’instar de l’Allemagne. Deuxièmement, la déconnexion est grande en France entre les sphères privée et publique pour la recherche. Dans ce contexte, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ne peut donc faire l’économie d’une politique ambitieuse pour relancer la compétitivité, et « ne pourra se contenter de crédits d’impôts ». « Il devra aussi réfléchir à une réforme de la recherche et s’interroger sur le niveau de l’impôt sur les entreprises », précise M. Artus.
Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Echos et auteur du Dictionnaire d’économie à l’usage des non-économistes, partage ce diagnostic. Au XXIe siècle, il est en effet impossible de laisser de côté cette « loi d’airain de l’économie », explique-t-il. Par conséquent, la reprise de l’activité et la baisse du chômage enregistrées aux Etats-Unis peuvent s’expliquer à la fois par l’exploitation du gaz de schiste et par la baisse du coût du travail. Entre 2002 et 2011, les coûts salariaux dans l’industrie se sont ainsi contractés de 2% par an en moyenne.
Risque d’un marasme économique prolongé
Pour s’éviter un scénario comme celui de la Grèce, de l’Espagne ou de l’Italie, où le coût du travail a été très fortement baissé, au prix d’un climat social en ébullition, la France doit donc envoyer d’autres signaux aux entreprises. L’inversion de la courbe du chômage chère à François Hollande et Michel Sapin, ministre du Travail, et la reprise de la croissance ne pourront se produire qu’avec des entreprises dynamiques. Alors ces dernières pourront embaucher de nouveau et être compétitive à l’international.
C’est ce pour quoi milite Génération Entreprise – Entrepreneurs Associés (GEEA), le groupe parlementaire regroupant 115 députés et présidé par Olivier Dassault, personnalité connaissant à la fois les réalités politiques et celles des entreprises. Rappelant qu’aucun ministre du Gouvernement n’a l’expérience de fonctions exécutives au sein d’une entreprise privée, GEEA s’inquiète que « la matraque fiscale » s’abatte à ce point sur les entrepreneurs.
D’ailleurs les principaux intéressés sont à bout. Une pétition pour que l’entreprise soit « la priorité des priorités, non pas en paroles mais en actes » a ainsi été lancée. Son initiateur, Guillaume Cairou, président du Club des Entrepreneurs, appelle ainsi la France à « libérer ses énergies des contraintes » qu’elle a créées. De toute évidence, il est reproché au Gouvernement de ne pas jeter toutes ses forces dans la bataille de la compétitivité, mettant gravement en danger l’avenir de l’économie française. Economistes et responsables politiques sont nombreux à se soulever contre une fiscalité contreproductive et des réformes inconséquentes.