Il veut s’attaquer aux professions réglementées. Il assume la politique de l’offre tournée vers les entreprises et multiplie les références aux Etats-Unis. Pas toujours facile de suivre le ministre de l’Economie.
Arnaud Montebourg – ce n’est pas nouveau – tient à se distinguer. Son discours d’hier sur « le redressement de l’Economie de la France », véritable discours de politique économique générale, en a été une nouvelle fois l’illustration. Le ministre de l’Economie et du Redressement productif en a profité pour faire entendre une musique un peu différente de celle de l’ensemble du gouvernement et tenter d’imprimer sa ligne. Au programme, un mélange subtil et parfois contradictoire de libéralisme et d’étatisme assumé, sans oublier le patriotisme économique qui le caractérise d’ordinaire. Quitte à faire dire un journal comme le Figaro qu’il « veut libéraliser à tout-va ». Est-ce à dire qu’Arnaud Montebourg, classé à la gauche du PS, aurait également viré social-libéral, à l’instar de François Hollande ?
Il veut faire exploser les professions réglementées
La première réforme de son programme fait partie des demandes récurrentes depuis longtemps de l’OCDE- une des instances du libéralisme international. Elle vise les professions réglementées. A savoir une liste de 37 professions parmi lesquelles les huissiers, les avocats, les notaires, les professions de santé… Avec un objectif présenté comme « simple »: « limiter les rentes en rapprochant les tarifs des coût réels des actes. » Le combat du ministre de l’économie est toutefois loin d’être simple: la colère des taxis, une autre de ces professions règlementées, l’a suffisamment montré. Il est d’ailleurs également loin d’être nouveau. Il s’inscrit ainsi dans la droite ligne du rapport Attali de 2008. Et de nombreux autres avant lui.
Cela n’empêche pas Arnaud Montebourg d’habiller cette volonté de réforme avec des mots ronflants. « La bataille pour la transformation de notre économie [passe par] la nécessaire lutte contre la rente et le monopole, » explique-t-il ainsi. Une initiative qui lui vaut d’être « vivement saluée » par Guillaume Cairou, le président du Club des Entrepreneurs, qui retient des annonces « cruciales et incontournables pour l’avenir de notre compétitivité économique ». Décidément insaisissable, c’est pourtant un objectif plus social, que met en avant le ministre de l’Economie. A savoir les 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat restitués aux Français grâce à la baisse des prix ainsi induite et aux emplois créés.
Et assume « la politique de l’offre »
Dans son discours tenu jeudi, le ministre a souligné qu’il assumait totalement la politique de l’offre mise en place par le gouvernement. « Nous avons fait le choix d’unir toutes les forces de la Nation autour de l’entreprise », le ministre allant jusqu’à évoquer « un acte de survie nationale. » En revanche, lorsqu’il parle d' »amplifier la politique déjà ménée par le Premier Ministre », Arnaud Montebourg esquisse sa volonté de sortir du chemin balisé par le gouvernement.
Mais il fustige la rigueur en Europe
Sur la politique d’austérité, le ministre de l’Economie sort cette fois franchement du rang quand il affirme que « le conformisme gouverne ». Une pique à destination principalement des dirigeants européens mais aussi, peut-être, de François Hollande. En creux, il souscrit à la formule de Matteo Renzi qui qualifiait le pacte de stabilité de « stupidité ». Dans son esprit, l’engagement français de ramener le déficit public à 3% du PIB semble déjà enterré.
Et soigne les frondeurs
L’aile gauche du P.S. et les fameux frondeurs peuvent tout de même se rassurer, Arnaud Montebourg se souviens qu’il est d’abord un Keynésien et ses nombreuses références à Roosevelt sont sans doute là pour le rappeler. S’il assume publiquement l’effort de réduction de 50 milliards d’euros de la dépense publique, il souhaite « bien les utiliser ». Et en ce sens, il tend la mains aux « frondeurs » en préconisant un rééquilibrage du pacte de responsabilité en faveur des ménages qu’il souhaite voir bénéficier de cette manne à hauteur d’un tiers (soit 16,5 milliards d’euros de baisses d’impôts). Il prône, à côté de la politique de l’offre, une vraie politique de la demande, passant éventuellement par une politique de grands travaux, à l’instar de ce qu’avait mis en oeuvre Franklin Roosevelt à travers le New Deal dans l’Amérique des années 30.
Quitte à devenir difficile à lire
Pour l’économiste Elie Cohen, Montebourg exprime là « sa cohérence économique qui est de dire que pour rebondir, la France doit à la fois combiner une politique de l’offre et un soutien de la demande. » Un avis que ne partage pas Eric Woerth, interrogé sur l’antenne d’i-Télé, pour qui « le discours d’Arnaud Montebourg est un discours de vieilles idées » et qui préfère y voir une fronde au sein même même du gouvernement. « C’est très bien de venir donner des idées, de se mettre en scène à Bercy, de prendre position contre Manuel Valls et au fond contre François Hollande, de dire [qu’on est] la caution de gauche. Mais c’est de la politique, ce n’est pas de l’économique. »